La Religion – Bac de Philosophie

La Religion - Bac de Philosophie

La Religion est une notion complexe et délicate qui est jusqu’à présent la moins abordée dans les sujets du baccalauréat. Cependant, étant donné qu’elle est au programme au lycée, elle peut tout de même être abordée, tout comme elle flirte souvent avec des notions comme la raison, l’État et la croyance dans les sujets de dissertation ou de commentaire.

Il est difficile de trouver un domaine qui ait engendré autant de constructions que de destructions, de joies que de douleurs. La religion est une expression de nos pulsions de vie et de mort. Si nous voulons évoluer vers une société pacifiée, respectueuse et au service de la vie, nous avons tous intérêt à y réfléchir ensemble.

C’est pourquoi nous te proposons de rappeler les fondamentaux de la religion dans cette vidéo. Nous te présenterons sa définition, la problématique qu’elle soulève et l’enjeu de notre réflexion.

Nous abordons les trois points suivants :

I – La religion crée du lien

II – mais elle peut également séparer

III – La séparation de la foi, de la raison et du pouvoir est peut-être gage de paix. 

Le terme religion vient du latin “relegere” qui signifie “relire“, “se recueillir” et “relier”. Il soulève donc la question du lien social, mais aussi du lien intime avec soi-même

La religion est à la fois intérieure, caractérisant le rapport direct de l’âme au divin, et extérieure, en tant qu’institution sociale avec des rites, des cérémonies et des prières, prêchant la parole divine et les règles de conduite

Les cinq plus grandes religions du monde sont le christianisme, l’islam, le bouddhisme, le judaïsme et l’hindouisme, chacune ayant ses propres divinités. Les musulmans croient en Allah, les chrétiens en un seul Dieu, les Juifs en Yahvé, les hindous en Brahma, Vishnu et Shiva, et les bouddhistes vénèrent Bouddha.

La religion peut être considérée comme une relation directe et individuelle entre l’âme et le divin, ce qui implique pour le croyant la foi en un être surnaturel transcendant et infini qui va au-delà de la finitude humaine. Cependant, elle peut aussi être considérée comme une institution sociale qui rend hommage à une divinité à travers des rites, des cérémonies et des prières et qui est composée de membres prêchant la parole divine et les règles de conduite à adopter.

Les pratiques religieuses diffèrent également entre les religions, avec des pratiques parfois opposées qui peuvent cohabiter difficilement. Face à ces pratiques religieuses, on trouve également des formes de croyance opposées telles que l’athéisme et l’agnosticisme.

Cependant, la coexistence de ces croyances distinctes peut entraîner des désaccords, des conflits et même des guerres. Pourtant, si nous dépassons ce problème, nous pourrions peut-être vivre ensemble de manière pacifique dans le respect de nos individualités. C’est pourquoi nous proposons de rappeler les fondamentaux de la religion dans cette vidéo en présentant sa définition, la problématique qu’elle soulève et l’enjeu de notre réflexion.

I – LA RELIGION CRÉÉ DU LIEN

A. La Religion relie l’Homme à lui-même et à son besoin d’amour et de protection

La Religion relie l’Homme à lui-même et à ses besoins fondamentaux d’amour et de protection. Tout d’abord, elle permet à l’individu de se relier à lui-même grâce au recueillement et à la conversation intérieure avec le divin. Selon Freud, la religion est une illusion car elle répond à un désir plutôt qu’à une vérité. Pour lui, la détresse de l’enfant vulnérable engendre le désir de protection du père et c’est ce désir qui est à l’origine de la croyance en Dieu, l’illusion qu’il existe un père tout puissant.

Cependant, la religion permet également de relier les Hommes entre eux. Elle peut être considérée comme un moyen de tisser des liens sociaux grâce aux rites, aux cérémonies et aux prières. Ces institutions sociales permettent aux individus de se rassembler autour d’une même divinité, de partager des valeurs et des règles de conduite.

B. La Religion relie les Hommes entre eux

Selon Auguste Comte, le terme “religion” qui signifie “relier” est la preuve de sa fonction sociale. En effet, elle a pour rôle de rassembler les individus et de les unir au sein d’une communauté fondée sur des croyances et des rites. Pour Durkheim, les mythes et les rites expriment la conscience d’un groupe d’être une réalité “débordant les individus de toute part”. Cependant, la religion ne peut unir les Hommes entre eux et avec eux-mêmes que grâce à la croyance en une réalité supérieure, transcendante et surnaturelle.

C. La Religion relie les Hommes à une divinité

L’entité supérieure que les religions désignent pour relier les Hommes entre eux et à elle, a connu différentes formes au fil du temps : un panthéon de dieux, une force naturelle, puis un Dieu spirituel transcendant dans les monothéismes. Quelle que soit sa forme, cette entité est considérée comme divinement sacrée. Cependant, le sacré, dont l’étymologie latine “sacer” signifie “séparé“, peut aussi être à l’origine de la séparation. Ainsi, la religion peut être perçue comme séparant les Hommes autant qu’elle les relie.

II. LA RELIGION SÉPARE

A) Le sacré sépare

La religion divise l’espace social, les êtres et le temps en deux réalités distinctes : le sacré, représenté par le temple ou l’édifice public dédié au culte de la divinité, et le profane, qui désigne ce qui est devant le temple. Ce qui est sacré appartient au domaine inviolable du religieux et doit inspirer crainte et respect. Cependant, le sacré repose également sur des tabous, appelés interdits sacrés par Freud. Dans les sociétés traditionnelles, les personnes taboues étaient soit les puissants tels que les rois, soit les personnes vulnérables telles que les femmes et les enfants. Ces tabous divisent donc l’espace social, car ils idéalisent les rois tout en méprisant les pauvres, ce qui peut être considéré comme une forme d’exclusion. Bien que les tabous puissent être vecteurs d’exclusion, ils garantissent une certaine forme d’ordre social. Cependant, confondre religion et superstition est une erreur qui peut conduire à des guerres de religion.

B. Une mauvaise interprétation de la Religion à l’origine des guerres de Religion

Spinoza identifie plusieurs problèmes à l’origine des guerres de religion. L’Homme, étant sujet à la crainte et l’espoir, a tendance à confondre superstition et religion. Animé par le désir illimité d’obtenir la fortune ou ce à quoi il aspire, il flotte entre la crainte et l’espoir, devient superstitieux, voit des signes là où il n’y en a pas et est tenté de croire que la nature délire avec lui. Un autre problème est le clergé, qui, avec sa richesse et ses faux honneurs, suscite une soumission aveugle du peuple, qui leur voue une adulation au lieu de chérir sa foi. Le principal problème est l’intérêt et l’ambition qui motivent les fonctionnaires des Églises, qui sont devenus des monuments d’hypocrisie. Ils utilisent la foi pour accroître leur pouvoir, et un peuple aveuglé par son désir de fortune et sa tendance à la superstition ne peut que les aduler, ce qui a conduit aux guerres de religion.

C) Le fanatisme religieux ou lorsque la foi objectifie la vie à des fins politiques

Bien que le fanatisme religieux ait reculé en Europe après les guerres de religions, le massacre de la Saint-Barthélemy et l’affaire Callas, il a été ravivé par les derniers attentats djihadistes qui ont frappé le monde occidental en 2015. Le terme fanatisme vient du latin fanum qui signifie temple et de fanaticus qui signifie inspiré par Dieu. Le fanatique considère avoir reçu une mission divine et est animé par une conviction si forte qu’il est prêt à recourir à la violence, voire à exterminer des gens pour que son point de vue s’impose. Le fanatisme religieux est toujours politique, car il instrumentalise la religion et les fidèles à des fins politiques. Par exemple, le fanatisme islamique a un but politique, celui d’établir un État islamique. Ainsi, le fanatisme religieux met l’idée au-dessus de la vie des autres, sacrifiant des gens au nom de la religion. Heureusement, il existe d’autres moyens de croire qui rallient, relient et font du bien. Les gens qui croient sont même réputés plus heureux que ceux qui ne croient pas. Ne pourrait-on pas faire cohabiter différentes religions dans un même espace social ou croire de manière raisonnable ? Enfin, quelle doit être la relation entre la Foi, la raison et le pouvoir ? C’est ce que nous allons explorer dans la troisième partie.

III –  FOI, RAISON ET POUVOIR

A) Le cœur est au-dessus de l’esprit selon Pascal

Pascal disait « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point ». Mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, Pascal ne justifiait pas une attitude irrationnelle. Pour lui, il y a deux façons d’avoir accès à la vérité : le cœur et la raison. Le cœur permet de connaître les choses par intuition immédiate, instinct, sensibilité ou sentiment. Quant à la raison, elle ne fait que déduire et confirmer les intuitions communiquées directement par le cœur. C’est pourquoi, pour Pascal, le cœur qui est supérieur à l’esprit, est antérieur à lui.

Pascal détestait les penseurs qui cherchaient à justifier rationnellement l’existence de Dieu. Pour lui, il fallait croire en Dieu précisément parce que cela paraissait absurde, et qu’il valait mieux parier sur son existence. En effet, si je crois en Dieu et qu’il existe, c’est tout bénéfique. En revanche, si j’y crois et qu’il n’existe pas, je ne perds rien, du moins pas l’occasion d’aller au paradis.

C’est ce qu’on appelle le Pari de Pascal.

B) La preuve rationnelle de l’existence de Dieu

Son contemporain, Descartes, voulait appliquer les règles mathématiques à la philosophie et pensait différemment de Pascal. Il allait même jusqu’à prouver rationnellement l’existence de Dieu, ce qui aujourd’hui peut paraître étrange. Pour lui, on ne peut que conclure que Dieu existe, car je ne pourrais avoir l’idée d’un être infini et parfait alors que je suis moi-même imparfait et fini, sans qu’un être infini et parfait l’ait mise dans ma tête.

C’est donc cette idée en moi d’un être parfait et infini qui prouve à la fois l’existence et la perfection de Dieu. Mais Kant, qui ne craignait rien et certainement pas de consacrer sa vie à la philosophie pour la faire avancer, allait remettre en question cette preuve de l’existence de Dieu.

C) Séparer la Foi et la Raison

Kant a pressenti un problème dans cette preuve de l’existence de Dieu, et il va écrire La Critique de la raison pure, un livre important et accessible. Kant remet en cause cette preuve de l’existence de Dieu. Il faut, selon lui, séparer la foi et la raison. La raison ne peut prouver l’existence de Dieu, mais la foi ne peut non plus prouver son existence. Selon Kant, la raison n’est pas capable de connaître la réalité en dehors de l’expérience, et donc, la preuve de l’existence de Dieu ne peut être trouvée que dans l’expérience personnelle de la foi.

Dans ce petit livre abordable et accessible, l’auteur examine notre capacité à connaître, appelée entendement, ainsi que les conditions requises pour acquérir cette connaissance. Il en conclut que pour connaître, il faut avoir une expérience directe de l’objet de notre connaissance avec nos cinq sens (vue, ouïe, odorat, etc.) et que notre entendement organise ensuite ces informations.

Cependant, nous rencontrons rarement Dieu, à l’exception de Bernadette Soubirous qui affirmait avoir vu la Sainte Vierge ou d’Elie qui a vu de nombreuses choses invisibles. Pour Kant, nous ne pouvons pas affirmer son existence, mais nous pouvons croire en lui et avoir la foi. Par conséquent, il est impératif de distinguer la FOI de la CONNAISSANCE.

L’instauration du principe de la Laïcité est un apport considérable à l’histoire de la philosophie, qui a progressivement retiré le pouvoir des mains du roi, qui se présentait comme l’élu de Dieu, et a permis au peuple de s’organiser pour réduire les privilèges. Parmi les autres avancées majeures de l’histoire de la religion, il convient de citer l’instauration du principe de laïcité au sein de la République française.

La Laïcité renvoie à la fois à une organisation politique et à une philosophie. Du point de vue politique, la Laïcité affirme la nécessité de séparer strictement les lois et les croyances, ce qui implique de séparer le pouvoir de la religion de celui de l’État. En d’autres termes, l’État ne doit exercer aucun pouvoir religieux, et les églises aucun pouvoir politique. Du point de vue philosophique, la Laïcité affirme la suprématie de la personne sur l’État, caractérisée par sa liberté de conscience et d’expression. Instaurée par l’État, elle prouve selon Spinoza que la “fin dernière” de l’État “n’est pas la domination” des individus, “mais en réalité (leur) liberté” (Spinoza).

La Laïcité est un principe qui a été établi dans la République française pour nous permettre de vivre libres et égaux, quelles que soient nos convictions. Il permet aux différentes religions et convictions de coexister pacifiquement et ne doit pas être considéré comme un ennemi de la religion.

C’est en ce sens que Gambetta affirmait : “Nous ne sommes pas les ennemis de la religion. Nous sommes, au contraire, les serviteurs de la liberté de conscience, respectueux de toutes les opinions religieuses et philosophiques.”

Il est important de noter que la laïcité a été instaurée en France après une longue lutte contre l’intransigeance de l’Église, de la tradition et de l’intégrisme antireligieux des révolutionnaires, et a été défendue par les Lumières, dont Rousseau, Voltaire, qui était pourtant déiste, ainsi que Hugo, Jaurès ou Louis Blanc.

Quelques dates essentielles permettent de comprendre ce long processus : la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen en 1789 qui stipule que personne ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, à condition que leurs manifestations ne troublent pas l’ordre public établi par la loi, les lois de Jules Ferry de 1881 et 1882 qui rendent l’instruction obligatoire et instituent l’école publique, gratuite et laïque, une loi de 1905 qui stipule que la République ne reconnaît, ne finance ni ne subventionne aucun culte, l’apparition du principe dans le préambule de la Constitution en 1946, et l’article 1er de la Constitution en 1958 qui affirme que la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale.

La laïcité est un idéal de vie en commun qui privilégie l’expression de l’individu. Comme l’affirmait Henri Pena-Ruiz, elle est un “idéal positif” de coexistence pacifique possible au sein d’une même nation, d’êtres humains ayant des croyances, des opinions, et des convictions différentes. Bien que parfois malmenée et questionnée, elle permet aux différences de coexister pacifiquement.

En somme, la religion reste encore très présente dans nos sociétés et mérite une attention sérieuse. Bien que la raison ait cherché à remettre le divin à sa place légitime en séparant la foi de la connaissance et de l’espace politique, il est important de s’interroger sur les limites de la raison à comprendre le besoin de sacré des Hommes et le fonctionnement de l’univers. 


Albert Einstein croyait que la science ne suffisait pas pour appréhender la beauté du monde. Pour lui, l’émotion mystique était la plus belle émotion que l’on puisse éprouver, et elle était à la base de tout art et de toute science véritable. Selon lui, savoir que l’impénétrable existe vraiment, qu’il représente la plus haute sagesse et la plus rayonnante beauté, et que seules les formes les plus grossières sont intelligibles pour nous, est au centre du véritable sentiment religieux. En ce sens, et seulement en ce sens, il se rangeait parmi les Hommes profondément religieux.

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