Les Aventures de Télémaque, 1699, Fénélon, Septième livre, l’UTOPIE

Les Aventures de Télémaque, 1699, Fenelon, Septième livre, l’UTOPIE

Résumé de l’analyse

Les aventures de Télémaque est un roman d’apprentissage rédigé par Fénelon afin d’éduquer de façon ludique le jeune duc de Bourgogne, petit fils de Louis XIV, qui pouvait être amené à régner sur la France. Dans cette grande aventure fictive, il développe son point de vue sur les préceptes qui devrait régir un bon gouvernement. Dans l’extrait étudié, les deux héros du récit, Télémaque et Mentor, entendent parler d’un pays extraordinaire, la Bétique, dont les habitants vivent en parfaite harmonie. Une véritable utopie (pays idéal qui n’existe nulle part).

Dans cette fiche de lecture linéaire, tu vas découvrir les caractéristiques de cette utopie de Fénelon, un pays à la nature idéale dont les habitants vivent en parfaite harmonie, car ils ont décidé de rejeter toute forme de luxe. Ce mode de vie, par lequel les humains se contentent de ce qui est nécessaire et naturel rappelle la philosophie d’Épicure. C’est aussi un moyen de critiquer le luxe de la cour sous Louis XIV. Ainsi, par un récit fictif, Fénelon défend bien son idéal de société.

Cette fiche de lecture linéaire te permettra de réviser pour ton oral et te fera découvrir les procédés employés par Fénelon pour défendre sa position.

Bonne lecture !

Télémaque et son précepteur Mentor sont de retour aux abords de I’île de Calypso. Ils rencontrent un capitaine de navire dont le frère Adoam leur livre les dernières nouvelles et leur dépeint un pays extraordinaire, la Bétique.

Le fleuve Bétis coule dans un pays fertile et sous un ciel doux, qui est toujours serein. Le pays a pris le nom du fleuve, qui se jette dans Ie grand Océan, assez près des Colonnes d’Hercule1 et de cet endroit où la mer furieuse, rompant ses digues, sépara autrefois la terre de Tharsis2 d’avec la grande Afrique. Ce pays semble avoir conservé les délices de l’âge d’or. Les hivers y sont tièdes, et les rigoureux aquilons3 n’y soufflent jamais. L’ardeur de l’été y est toujours tempérée par des zéphyrs4 rafraîchissants, qui viennent adoucir l’air vers le milieu du jour. Ainsi toute l’année n’est qu’un heureux hymen5 du printemps et de l’automne, qui semblent se donner la main. La terre, dans les vallons et dans les campagnes unies, y porte chaque année une double moisson. Les chemins y sont bordés de lauriers, de grenadiers, de jasmins et d’autres arbres toujours verts et toujours fleuris. Les montagnes sont couvertes de troupeaux, qui fournissent des laines fines recherchées de toutes les nations connues. Il y a plusieurs mines d’or et d’argent dans ce beau pays; mais les habitants, simples et heureux dans leur simplicité, ne daignent pas seulement compter l’or et l’argent parmi leurs richesses : ils n’estiment que ce qui sert véritablement aux besoins de l’homme. Quand nous avons commencé à faire notre commerce chez ces peuples, nous avons trouvé l’or et l’argent parmi eux employés aux mêmes usages que le fer, par exemple, pour des socs de charrue. Comme ils ne faisaient aucun commerce au-dehors, ils n’avaient besoin d’aucune monnaie. Ils sont presque tous bergers ou laboureurs. On voit en ce pays peu d’artisans : car ils ne veulent souffrir que les arts qui servent aux véritables nécessités des hommes; encore même la plupart des hommes en ce pays, étant adonnés à l’agriculture ou à conduire des troupeaux, ne laissent pas d’exercer les arts nécessaires pour leur vie simple et frugale. (…)

Quand on leur parle des peuples qui ont l’art de faire des bâtiments superbes, des meubles d’or et d’argent, des étoffes ornées de broderies et de pierres précieuses, des parfums exquis, des mets délicieux, des instruments dont l’harmonie charme, ils répondent en ces termes : «Ces peuples sont bien malheureux d’avoir employé tant de travail et d’industrie à se corrompre eux-mêmes! Ce superflu amollit, enivre, tourmente ceux qui le possèdent : il tente ceux qui en sont privés de vouloir l’acquérir par l’injustice et par la violence. Peut-on nommer bien un superflu qui ne sert qu’à rendre les hommes mauvais? Les hommes de ces pays sont-ils plus sains et plus robustes que nous? Vivent-ils plus longtemps? Sont-ils plus unis entre eux? Mènent-ils une vie plus libre, plus tranquille, plus gaie? Au contraire, ils doivent être jaloux les uns des autres, rongés par une lâche et noire envie, toujours agités par l’ambition, par la crainte, par l’avarice, incapables des plaisirs purs et simples, puisqu’ils sont esclaves de tant de fausses nécessités dont ils font dépendre tout leur bonheur.»

1. Ainsi sont appelées, dans l’Antiquité, les montagnes qui bordent, du côté de l’Europe et du côté de l’Afrique, le détroit de Gibraltar, aux limites du monde connu.

2. la terre de Tharsis : dans l’Antiquité, nom donné à la péninsule ibérique.

3. nom poétique des vents du nord.

4. vents d’ouest, doux, tièdes et agréables.

5. Membrane féminine qu’ont la plupart des femmes devant l’ouverture du vagin et qui se détend lors de la première relation sexuelle. Ici, il est associé au mariage, moment où la femme perdait son hymen (c’était la croyance).

Fiche de lecture linéaire

Crédits :

Analyse : Tanguy Gaudeul

Illustration : Télémaque et Mentor fuyant l’île de Calypso, Les aventures de Télémaque livre 8 – Bartolomeo Pinelli, 1808 – Art Institute of Chicago, CC0 Public Domain Designation

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