La Nature, Bac de Philosophie
Dans cette vidéo, nous allons réfléchir à la notion de nature, qui fait partie des 17 notions au Baccalauréat de Philosophie. Tout d’abord, nous découvrirons sa définition, l’une des problématiques qu’elle soulève et enfin l’enjeu de notre réflexion : ce qu’elle peut apporter aux hommes, qui sont des citoyens du monde. Nous aborderons ensuite les différents points de vue concernant la nature : vivre selon la nature est-il la clé du bonheur ou bien la maîtriser est-elle gage de progrès ? Nous verrons enfin qu’une solution peut être de collaborer avec la nature au service de la vie.
I. Vivre selon la nature est la clef du bonheur
II. Maîtriser la nature est gage de progrès
III. Collaborer avec la Nature au service de la Vie
1) Définition, problématique et enjeu
Mais voyons d’abord les définitions du mot nature. Le terme “nature” vient du latin “natura“, qui signifie à la fois “l’action de faire naître”, “l’état naturel d’une chose” et “l’ordre des choses”.
La notion de nature comporte plusieurs significations qui se reflètent dans son sens courant, tel que :
– un ordre inscrit dans l’univers qui déterminerait le cours des événements ;
– le milieu naturel non transformé ;
– ou encore ce qui chez l’individu est inné et relève de son donné biologique et psychologique et non de son apprentissage.
D’emblée, il est possible de percevoir le lien et l’opposition qui unissent les termes nature et culture. La notion de nature, qui peut sembler assez obscure, s’éclaircit lorsqu’on la met en contraste avec la culture, laquelle est de l’ordre de l’acquisition, de la transformation et recouvre l’ensemble des créations techniques, sociales et spirituelles.
Claude Lévi-Strauss évoque l’exemple des enfants sauvages, nés et ayant vécu en dehors de la société, pour illustrer la nature humaine.
Victor de L’Aveyron, l’un des enfants sauvages les plus connus, a été trouvé dans la forêt à douze ans sans langage ni intelligence. Malgré les efforts de ceux qui l’ont recueilli, il n’a jamais réussi à apprendre à lire ni à écrire. Toutefois, certains soupçonnent que l’enfant, atteint d’autisme profond, a été abandonné dans la nature par ses parents alors qu’il était en bas âge, et on n’est donc pas certain qu’avec une autre structure psychique, il n’aurait pas pu apprendre à lire et écrire.
Boris Cyrulnik a contesté l’idée selon laquelle la nature humaine serait illustrée par l’enfant sauvage, vu que l’Homme se révèle essentiellement en société, où il apprend le langage, la pensée et développe son intelligence. Il ne devient donc Homme que grâce à la culture qui l’entoure.
Jean-Paul Sartre a également remis en question l’idée qu’il existe une nature humaine prédéfinie, car selon lui, l’Homme n’existe et ne construit son identité qu’au travers de ses projets et de ses réalisations, lesquelles expriment sa liberté. Ainsi, tout Homme construit son identité par son existence.
En guise de définition, la nature est ce qui est inné, ce qui est avant tout, tandis que la culture est ce qui est acquis, transformé et artificiel. Cependant, la relation de l’Homme à la nature est difficilement cernable et polysémique, et elle a également évolué au fil du temps.
Le rapport de l’Homme à la nature est difficilement cernable et polysémique. Il a également évolué au fil du temps. Si dans l’Antiquité, « c’est la nature que l’on doit prendre comme guide » pour tendre vers le bonheur et la sagesse, l’essor de la technique et des sciences à l’époque moderne nous a poussés à nous rendre, comme le précise Descartes, « maîtres et possesseurs de la nature ». À partir du XVIIe siècle, la science a permis de sonder les lois naturelles, et l’Homme semble disposer d’un pouvoir qui lui permet de dompter cette force naturelle et créatrice de la vie.
Cependant, cette évolution vers la maîtrise de notre nature n’est pas sans poser de problèmes. Le changement climatique est le plus parlant des problèmes liés à notre rapport actuel avec la nature. N’est-il pas risqué d’instrumentaliser la nature alors qu’elle est le premier principe créateur de vie qui conditionne notre existence ? Cela soulève une problématique importante : si nous parvenons à montrer qu’il existe une alternative à l’exploitation de la nature, peut-être que la survie de l’espèce en dépendra, et nous pourrions même éviter que les inégalités déjà présentes ne s’amplifient. En effet, en temps de pénurie de ressources, ceux qui ont de l’argent s’en sortent mieux que les autres.
I. VIVRE SELON LA NATURE EST LA CLÉ DU BONHEUR
a) Désacraliser la nature pour mieux faire avec
Dans l’Antiquité, l’idée émerge que la nature est un monde matériel régi par des lois plutôt que le résultat du caprice des dieux, ce qui n’était pas évident à l’époque. Aristote considérait que la nature était régulée par des lois, notamment celles du mouvement, de la naissance et de la mort. Lucrèce, quant à lui, estimait que la nature ne pouvait être l’œuvre de Dieu car elle était imparfaite. Ainsi, il était important de la désacraliser afin de comprendre ses principes et sa signification, de déterminer la place de l’Homme dans ce système et ce à quoi il pouvait aspirer. Les penseurs antiques ont compris que l’Homme n’était qu’un élément au service de la nature et ont choisi de s’adapter à ce qu’elle rendait possible.
b) Prendre la nature comme guide
Les penseurs antiques prenaient la nature pour modèle. Pour les stoïciens, qui prônaient une « vie simple » et naturelle, vivre en harmonie avec la nature et soi-même était la clé du bien-être. Ils recommandaient de maîtriser les passions, de limiter les désirs et de se défaire des illusions. De même, les Épicuriens considéraient que le bonheur résidait dans la satisfaction des besoins naturels et nécessaires tels que boire, manger, dormir et se reproduire. Bien que cela ne soit pas synonyme d’abondance, Epicure recommandait de s’offrir de temps en temps un plaisir naturel mais non nécessaire, comme boire un verre de bon vin.
Les philosophes antiques pensaient que limiter son comportement à des choses naturelles était la clé de l’ataraxie, une sérénité associée au bonheur. Pour eux, le retour à l’état naturel était donc un choix rationnel et empreint de sagesse. C’est cette même raison qui a conduit certains philosophes à prôner la réconciliation avec notre part animale.
c) Se reconnecter avec sa partie animale
Au IVe siècle avant JC, Diogène le cynique, un philosophe grec, conclut que pour être heureux, il faut vivre comme un chien, après avoir observé une souris courir sans se soucier de son dénuement. Il abandonna tout ce qu’il avait, acheta un manteau pour dormir, une besace pour y mettre sa nourriture et décida de tout faire, absolument tout, en public. Ainsi, les philosophes ne sont pas toujours tristes comme on le raconte.
Quant à Derrida, il regrette le logocentrisme de la philosophie moderne occidentale, qui considère que sa façon d’utiliser le langage doit être la norme. Selon lui, l’animal est exploité par l’humain, réduit à ce que l’humain n’est pas et ne veut pas être. C’est regrettable, car en plus de faire souffrir les animaux, la frontière qui sépare les Hommes des animaux est plus mince qu’il n’y paraît. Pour le philosophe, tous les êtres vivants devraient être reliés. Cette reconsidération de l’animalité va de pair avec ceux qui revendiquent la nécessité de vivre selon la nature.
d) Droit et devoir de vivre selon la nature
Dans l’histoire de la philosophie, Descartes considérait les animaux comme de simples machines dénuées de conscience. Cependant, Rousseau, considéré par certains comme le père de l’écologie moderne, détecte en l’animal une “machine ingénieuse et place la nature au centre des activités humaines. Autrement dit, la nature doit jouer un rôle primordial dans l’éducation, les relations amoureuses ou encore la recherche de la vérité.
Le mouvement écologiste, quant à lui, s’est construit sur la défense du milieu de vie en tant que déterminant de la qualité de la vie. L’un de ses fondateurs, André Gorz, a axé son engagement politique à partir de la critique du modèle de consommation excessive des sociétés contemporaines. Le premier candidat écologiste à se présenter à l’élection présidentielle de 1974, René Dumont, a appelé à une civilisation “de l’arbre et du jardin”, dans laquelle les paysans joueraient un rôle fondamental.
Cependant, si l’idée de vivre selon la nature est séduisante et semble être le gage d’une certaine harmonie, on peut se demander si elle ne possède pas certaines limites.
Si on la pousse à l’extrême, n’est-il pas dangereux de croire que notre nature est déterminée par des lois ? En effet :
– Les femmes ont-elles vraiment plus l’instinct maternel que les hommes ou cette idée n’est-elle qu’une construction sociale des sociétés patriarcales ?
– Ou encore, a-t-on vraiment envie de revenir à l’état de l’enfant sauvage ?
Il semblerait que ce ne soit pas le cas des philosophes modernes et contemporains…
II. MAÎTRISER LA NATURE EST GAGE DE PROGRÈS
a) La conception mécaniste de la naturel
Dans l’optique de Descartes, la philosophie spéculative doit laisser place à une philosophie pratique, à même d’être utile à l’Homme. Selon lui, grâce aux avancées de la science, l’Homme est le seul être capable de connaître la nature et se doit de la maîtriser, malgré sa création divine mais désordonnée.
Cette foi croissante en l’Homme et son potentiel s’intensifie au siècle suivant avec la conception finaliste proposée par Kant. Selon cette conception, la nature n’existe que pour permettre l’avènement de l’Homme.
b) La nature est une valeur relative
Si Descartes avait des réserves quant au potentiel de l’Homme, Kant n’hésite pas à lui accorder une totale légitimité sur la nature, considérant que cette dernière, dépourvue de raison, ne possède qu’une valeur relative. Pour Kant, la raison est un principe supérieur et la nature n’est qu’un moyen, tandis que l’Homme raisonnable est une fin en soi. En d’autres termes, l’Homme est un sujet, tandis que la nature est un objet. Cependant, en délimitant ce qui est important pour l’Homme et ce qui sert une fin extérieure, Kant a également contribué à déterminer ce qui est objet de respect – l’Homme – et ce qui ne l’est pas – la nature. Cette absence de mesure n’est pas sans conséquence.
c) L’essor de la technique et des sciences a conduit à la perte de contrôle
À l’époque moderne, la science et la technique devaient permettre à l’Homme de maîtriser et de posséder la nature. Cependant, dans notre époque actuelle, appelée « anthropocène », les êtres humains sont devenus la force principale qui transforme la Terre. Cette puissance excessive a conduit à une perte de contrôle, selon Hannah Arendt, car l’Homme n’a plus la capacité de percevoir les conséquences de ses actions sur la nature.
Par exemple, si les inventeurs du plastique avaient su que chaque année, huit millions de tonnes de plastique finiraient dans les océans, ce qui crée un septième continent de plastique, ils auraient peut-être agi différemment.
Ainsi, René Girard évoque le « rendez-vous planétaire de l’Homme avec sa propre violence », et la crise écologique semble nous inviter à redéfinir la nature comme un bien précieux qu’il faut protéger.
Il est donc temps de trouver une solution en collaborant avec la nature pour préserver la vie.
III. COLLABORER AVEC LA NATURE AU SERVICE DE LA VIE
a) L’économie capitaliste : une conséquence autodestructrice de la nature humaine
Si Hobbes, en paraphrasant Plaute, a considéré que la nature humaine était d’être « un loup pour l’Homme », c’est-à-dire égoïste, cupide, assoiffé d’accumulation, il est compréhensible que le capitalisme et la société de consommation, qui se concentrent sur la croissance et le profit, soient des choix économiques logiques. Cependant, cela pose des problèmes, car selon Hannah Arendt, la condition pour maintenir l’économie capitaliste est « de ne laisser intervenir ni durabilité, ni stabilité », et son maintien « n’est possible que si l’Homme sacrifie son monde et son appartenance au monde ».
b) La nécessité de préserver la nature
Le point de vue pessimiste selon lequel l’Homme est égoïste et destructeur de la nature, peut être contredit par celui de Rousseau qui affirme que l’Homme est naturellement bon, et que ce sont les structures sociales de la propriété et du marché qui ont corrompu l’Homme. En adoptant cette perspective, il est possible d’espérer préserver la nature, ou du moins de cesser de l’exploiter. Au contraire de Kant, il s’agit de considérer la nature comme un sujet, un alter ego avec lequel il faut collaborer pour la vie et la durabilité de l’espèce. Bien que l’Histoire montre des exemples d’altruisme et de solidarité, il est important que cette réorientation ne reste pas théorique, mais qu’elle se concrétise dans des actions politiques.
c) Concilier écologie et démocratie
Certains penseurs « verts » envisagent des scénarios sans État inspirés par une pensée libertaire, mais Habermas cherche quant à lui à réconcilier l’écologie et la démocratie, tout en luttant contre les dérives autoritaires de la pensée écologique.
d) Le concept de développement durable
Pour ceux qui prônent le développement durable, il est primordial d’articuler l’économie et la préservation de l’environnement. Ainsi, Hans Jonas insiste sur la nécessité de limiter nos actions transformantes par respect pour la nature, en se basant sur le principe de responsabilité.
e) La nécessité de séparer le pouvoir politique et économique
Selon Arendt, la garantie du respect de nos valeurs humanistes et de la perpétuation de notre existence passe par la « séparation entre le pouvoir de l’État et le pouvoir économique ».
f) L’importance de l’initiative individuelle
Jonathan Safran Foer, l’auteur de Faut-il manger les animaux ? et de L’avenir de la planète commence dans notre assiette, milite contre l’élevage intensif, qu’il considère en grande partie responsable de la crise climatique. Il préconise de « moins utiliser l’avion, vivre sans voiture, avoir moins d’enfants et réduire notre consommation de produits d’origine animale ».
Il est évident que la notion de nature est essentielle et centrale dans nos problématiques actuelles. Réfléchir à cette notion peut conduire au catastrophisme, à l’autoritarisme, à la technophobie ou encore à l’antiscience. Cependant, il est utile de rappeler que nous vivons une époque passionnante où tout doit être repensé, à commencer par la politique et nos comportements quotidiens. Le danger aujourd’hui est que, emportés par un processus qui nous dépasse, nous abandonnions notre espace d’action. Dans ce contexte, la philosophie a un rôle à jouer. Nous comptons sur vous pour réinventer le monde futur !
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