La Conscience – Bac de Philosophie

La Conscience- Bac de Philosophie

La Conscience fait partie des 17 notions au Baccalauréat de Philosophie. Pour t’aider à te préparer au commentaire ou à la dissertation, nous allons réfléchir ensemble à cette notion complexe mais fondamentale pour les êtres humains.  Qu’est-ce que la conscience, cette entité intangible qui conditionne notre humanité ?

En effet, qu’est-ce qu’un être humain sans conscience ? En dehors d’une personne dans le coma, on doit admettre qu’il ne peut être qu’un végétal, un objet inerte, mais certainement pas un être humain.

Ce sujet est vaste et mérite qu’on y consacre un peu de temps. Dans cette vidéo, nous allons aborder les points suivants :

 I. La définition de la conscience et l’une des problématiques qui en découlent.

II. Nous allons nous pencher sur la question de l’existence du “moi”.

III. Nous verrons ensuite comment la conscience peut limiter l’Homme.

IV. Enfin, nous étudierons dans quelle mesure la conscience peut le libérer.

 

I. DÉFINITION ET PROBLÉMATIQUE

 Tentons tout d’abord de définir la conscience. Son étymologie latine, cum scientia, signifie « avec science ou savoir ». Ainsi, on comprend d’entrée de jeu qu’elle joue un rôle essentiel dans notre connaissance. La conscience est une entité qui fait partie du psychisme humain et qui nous permet d’entrer en contact avec le monde et avec nous-mêmes. Elle comprend la conscience immédiate, qui nous permet d’avoir accès au monde grâce aux informations que nous donnent nos 5 sens. Par exemple, en ce moment même, ma conscience immédiate m’informe que je suis en face d’Elie et de sa caméra, que je me trouve dans un salon, le mien en l’occurrence, et que cette tache sur le sol a été faite par mon fils.

 Mais la conscience est également réfléchie, c’est-à-dire qu’elle nous permet d’effectuer un retour sur nous-mêmes. Par exemple, en ce moment, ma conscience réfléchie me signale que j’ai très faim. Cette conscience réfléchie se décline aussi en conscience morale, qui nous permet de juger nos actes et ceux des autres. Grâce à la conscience morale, nous pouvons considérer le point de vue des autres avant d’agir, évaluer les conséquences de nos actes sur autrui, et comprendre si ce que nous faisons est bien ou mal. Par exemple, si je pousse la caméra d’Elie, ma conscience morale me signalera qu’il ne sera pas content.

Mais la conscience réfléchie peut également se décliner en conscience de soi. Grâce à la conscience de soi, nous avons la possibilité de nous prendre nous-mêmes ainsi que nos états de conscience comme objet de connaissance. C’est aussi grâce à elle que nous pouvons nous livrer à l’introspection ou l’autoanalyse. Ainsi, en ce moment, ma conscience de moi-même m’indique que je suis en train de faire une vidéo sur la conscience, que cela a du sens, voire même que j’y prends plaisir !

 Depuis Freud, la conscience qui conditionne notre connaissance et notre clairvoyance n’est plus seule dans notre esprit. Elle est associée au moi et cohabite dans notre psychisme avec notre inconscient, lequel contient tous nos désirs inacceptables. Par exemple, Œdipe a souhaité coucher avec sa mère et tuer son père ! Notons au passage que ces désirs d’inceste et de parricide sont à même de surgir de l’inconscient de tous les êtres humains selon Freud, mais que naturellement la conscience s’empresse le plus souvent de censurer.

D’où le problème soulevé par cette notion : comment la conscience pourrait-elle conditionner notre connaissance et nous libérer, alors qu’elle censure nos tendances et désirs les plus profonds ?

 II. LE MOI EXISTE-T’IL? 

 Le moi, impalpable, mouvant et indescriptible, est une notion complexe qui soulève de nombreuses interrogations. Si l’inscription “connais-toi toi-même” figurait sur le fronton du temple de Delphes, la notion de conscience n’existait pas dans l’Antiquité. En effet, à cette époque, seule existait la notion de l’esprit connaissant, et se connaître soi-même signifiait entrer en contact avec les Idées plutôt qu’avec ses états psychologiques.

Ce n’est que dans le 17ème siècle que la notion de conscience psychologique a été introduite par Descartes. En développant une méthode philosophique rigoureuse inspirée des mathématiques, et en recourant au doute, Descartes a déduit une première vérité indiscutable : le célèbre “Cogito ergo sum”, “Je pense donc je suis”. En affirmant que la réalité de son existence repose sur la certitude qu’il pense, Descartes a également affirmé que le MOI existe, au même titre que l’identité personnelle.

Cependant, cette idée a rapidement été contestée par Hume dans son Traité sur l’entendement humain. Pour l’empiriste, toute connaissance est issue de l’expérience, et ceux qui affirment qu’un moi fixe et stable existe sont des métaphysiciens qui réfléchissent sur des choses auxquelles on n’a pas accès dans notre monde. En effet, selon Hume, lorsque l’on procède à une écoute attentive de soi, on ne rencontre que des perceptions, des représentations de sensations comme le chaud, le froid, l’amour ou la haine. En dessous de ces perceptions fluctuantes et mouvantes, il n’y a rien, c’est le néant, le vide total. Pour Hume, cela signifie qu’il n’y a pas d’identité personnelle fixe et stable.

Cependant, Kant reconnaît l’impossibilité de connaître le moi selon le point de vue de Hume, mais va plus loin en affirmant que l’on ne peut s’empêcher de relier toutes nos perceptions à un moi unificateur. Selon Kant, la conscience de soi est même le privilège de l’Homme et le distingue des autres espèces. En tant que fonction de l’entendement, c’est-à-dire de notre faculté de connaître, le je est universel. Bien que l’apparition de la conscience de soi intervienne tardivement chez l’enfant, elle est l’apanage exclusif des êtres humains. Dès l’apparition du je, l’Homme est comme projeté dans une humanité dont il ne pourra plus se défaire : “Auparavant, il se sentait simplement ; maintenant, il se pense”.

 Lorsqu’on évoque les penseurs ayant introduit des distinctions fondamentales dans la conscience, il est difficile de ne pas mentionner Hegel. En effet, Hegel a été le premier à observer que l’Homme possède, en plus de la conscience immédiate, une conscience réfléchie. Si la conscience immédiate permet aux animaux et aux Hommes de prendre conscience de leur environnement, la conscience réfléchie permet à l’Homme de réfléchir sur lui-même. Cette capacité de réflexion n’est pas observée chez les animaux.

Pour Hegel, il existe deux façons d’être conscient. Après avoir distingué la conscience immédiate de la conscience réfléchie, Hegel considère le lien entre la conscience et la pratique. En effet, la tradition philosophique s’est concentrée sur la dimension théorique de la conscience, en négligeant le fait que la conscience se constitue également par la pratique et l’incarnation. Selon Hegel, c’est en agissant sur le monde que l’Homme peut se connaître, se reconnaître, prendre conscience de lui-même et de son potentiel.

Au XXème siècle, la notion de conscience est remise en question par les philosophes de l’existence, tels que Sartre. Pour eux, le moi est une construction sociale. Chacun finit par s’identifier à sa fonction sociale et adopter la posture attendue par la société. Ainsi, le garçon de café adopte une gestuelle mécanique et la coquette oublie son désir, enfermée dans une posture. Cependant, l’adepte de la liberté peut changer son identité tout au long de son existence, sachant que la mort seule inscrit définitivement ce que l’on est dans le marbre.

Pour Freud, dans sa deuxième topique, le moi tente d’unifier le sujet pris entre le ça et le surmoi. Coincé entre deux exigences contraires – les forces inconscientes dirigées par le principe de plaisir et l’adaptation au monde extérieur selon le principe de réalité – le moi est loin d’exprimer notre inconscient, qui pour Lacan, est le noyau de notre être.

Si la conscience est loin d’exprimer la réalité de notre être et de ce que nous souhaitons profondément, comment pourrait-elle ne pas limiter l’Homme ? Autrement dit, si l’on aspire à être la reine du monde, mais que notre conscience nous rappelle que nous sommes monsieur tout le monde, comment la conscience peut-elle ne pas être une limite pour l’Homme ?

 III. LA CONSCIENCE LIMITE L’HOMME

Tout d’abord, la conscience limite l’Homme en tant que censeur de ses désirs. Selon Freud, le Moi et le Surmoi, qui correspond à l’intériorisation des interdits parentaux et sociaux, ont pour mission de réprimer les pulsions inconscientes du ça. Dans sa première topique, le psychanalyste avait imaginé un gardien empêchant les désirs inacceptables de franchir le seuil de la conscience psychologique et de la conscience, pour expliquer le refoulement des désirs. Ainsi, pour Freud, c’est le Surmoi ou la conscience suprême qui limite l’Homme dans la connaissance de ses désirs.

Concrètement, cela signifie que l’on doit considérer le complexe d’Œdipe, un concept clé de la psychanalyse. Il décrit la passion que ressent le petit enfant, entre 3 et 8 ans, pour le parent du sexe opposé. Pour grandir et évoluer sereinement dans l’existence, le petit garçon, par exemple, doit renoncer à sa mère suite à l’interdit posé par son père et à l’angoisse de castration. En somme, selon Freud, le petit garçon aimerait inconsciemment coucher avec sa mère, mais le père lui fait comprendre que c’est sa femme et que, s’il n’y renonce pas, il risque d’avoir son pénis coupé. Par conséquent, comprenant qu’il risque la castration, le petit garçon renonce à sa mère. Toutefois, à moins de faire une bonne analyse chez un bon psy, qui peut durer sur un temps très long, et de retrouver, par exemple, ce désir inconscient dans ses rêves, aucun homme adulte ne se souvient avoir voulu se marier avec sa mère.

En quoi cela pose-t-il un problème ? Selon Freud, il est parfois nécessaire de sonder notre inconscient et de faire remonter à notre conscience ce qui s’est vraiment passé pour nous de manière inconsciente, afin que le passé ou notre inconscient ne dirige pas nos vies présentes. Pour en revenir au complexe d’Œdipe, on peut penser qu’un adulte qui ne l’a pas résolu à temps aura des problèmes dans sa vie amoureuse, par exemple en ne pouvant pas aimer et désirer en même temps, ou bien en collectionnant les relations interdites ou encore en sabotant toute relation amoureuse possible. Ces schémas, selon Freud, s’accompagnent de souffrance.

Revenons à notre sujet. Selon Spinoza, la conscience nous empêche de connaître nos désirs et nous maintient dans l’illusion de notre liberté. En effet, la conscience nous fait croire que nous avons la capacité de nous déterminer sans contrainte extérieure, alors que selon Spinoza, cela est une croyance vide d’existence, car l’Homme ignore les causes qui le font agir.

En outre, la conscience morale empêche également de connaître nos vices. Un vice est un penchant devenu habitude que la morale réprouve ou un défaut excessif. Les vices varient selon les cultures et les époques. Par exemple, l’homosexualité était louée en Grèce antique, alors qu’elle a longtemps été considérée comme une déviance dans certaines cultures. Les morales religieuses judéo-chrétiennes condamnent également ce qu’elles considèrent comme des vices tels que la zoophilie, l’homosexualité (surtout la sodomie), la masturbation et les pratiques sexuelles ayant d’autres fins que la reproduction. Enfin, les addictions telles que le jeu, la boisson, la drogue et certaines pratiques sexuelles peuvent également être considérées comme des vices.

 Cependant, comment pouvons-nous régler un penchant nocif si la conscience morale le censure immédiatement sans nous permettre de trouver la cause de cette déviance ? Si notre conscience morale nous ordonne de réprimer notre colère sans nous permettre de prendre conscience de l’origine de ce problème, comment pouvons-nous le résoudre ? Si notre besoin d’affection se traduit en gourmandise débordante, et que notre conscience morale nous permet de refreiner nos pulsions boulimiques en censurant notre tendance, ce besoin de combler un manque affectif ne risque-t-il pas de ressurgir ailleurs, dans un autre travers ? Ces questions restent sans réponse.

 Pour moi, lorsque nous sommes confrontés à un problème, il est important de le regarder en face afin d’en trouver l’origine. Cependant, cela peut être difficile si notre conscience morale nous empêche de voir la vérité. Cette conscience morale, selon Nietzsche, est une ruse théologique asservissante qui culpabilise l’Homme, l’empêche de devenir un surhomme et lui enlève sa vitalité en lui imposant une morale.

Bien que la conscience puisse être un fardeau, elle nous élève également au rang de personne responsable. Nous sommes responsables de nos actes sur un plan social, devant les tribunaux, mais aussi sur un plan moral, notre propre conscience nous juge. Il est donc compréhensible que posséder une conscience puisse s’accompagner de souffrance.

 Cependant, il est important de rappeler que sans conscience, un être vivant n’est qu’un animal, un légume ou même un poisson rouge, à moins qu’il n’ait perdu connaissance ou ne soit dans le coma. Cela montre l’importance de la conscience pour notre humanité.

IV. LA CONSCIENCE LIBÈRE L’HOMME

Comment la conscience qui conditionne ma connaissance de moi-même et du monde pourrait-elle ne pas contribuer à ma libération ? Tout d’abord, il faut reconnaître que c’est grâce à la conscience que je peux agir autrement que par automatisme ou instinct, comme cela est le cas chez les animaux. Lorsque j’agis consciemment, c’est en accord avec ma volonté, l’expression de ma liberté.

 En plus de son interdépendance avec la volonté, la conscience permet également la mise à distance. Grâce à la conscience réfléchie, l’Homme peut se mettre à distance et conquérir sa dignité. Bien que fragile et pauvre roseau dans l’univers, l’Homme gagne en effet toute sa dignité en se sachant vulnérable et roseau. C’est parce qu’il sait qu’il est vulnérable, qu’il peut préserver toute sa dignité. Comme l’a dit Pascal : “L’Homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature ; mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser: une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le tuer. Mais, quand l’univers l’écraserait, l’Homme serait encore plus noble que ce qui le tue, puisqu’il sait qu’il meurt, et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien. Toute notre dignité consiste donc en la pensée.”

 Ainsi, nécessitant le recours à la volonté et permettant à l’Homme de dépasser sa petitesse à l’égard du monde, la conscience est la condition de sa grandeur.

 La conscience est aussi propre à l’Homme. Si l’on peut aisément reconnaître une conscience immédiate chez les animaux, ne serait-ce que par l’interaction dont fait preuve le chien avec le monde extérieur lorsqu’il joue, et une sensibilité qui est flagrante lorsqu’on lit la tristesse dans les yeux des animaux abandonnés, pour l’instant, il reste difficile de démontrer qu’ils sont pourvus d’une conscience réfléchie ou morale. En outre, c’est grâce à la conscience immédiate que je peux avoir accès au monde extérieur et donc que je vais aussi pouvoir le transformer. Les Hommes vont décider ou non d’agir avec sagesse et engager, en ce sens, l’avenir de l’humanité. Comme le disait Rabelais : “Science sans conscience n’est que ruine de l’âme”. Si l’on continue à fond dans la consommation, le plastique, les énergies fossiles, etc., nos enfants, petits-enfants, et plusieurs pays du monde vont être confrontés à de sérieux problèmes comme le manque d’eau, les canicules, les migrations et la désertification de certaines régions.

La conscience est un élément clé de notre interaction avec les autres et nous permet de mesurer au mieux la position que nous devons adopter. Par conséquent, si je vomis sur les chaussures de Tanguy, il y a de fortes chances qu’il ne soit pas très heureux… En outre, la conscience est également portée vers l’ouverture et l’autre, car elle ne peut pas exister seule sans se poser sur quelque chose ou quelqu’un. Selon Husserl, elle est intentionnelle, c’est-à-dire qu’elle a besoin de se poser sur un objet ou une réalité, voire sur elle-même, pour exister. Cependant, comme l’a dit Husserl, “toute conscience est conscience de quelque chose”, ce qui signifie que la conscience est également sélective. Pour Bergson, la conscience est un choix intérieur qui sélectionne les souvenirs appropriés à la situation actuelle.

Lorsque je vis une situation, ma mémoire va sélectionner tout un tas de souvenirs qui vont me permettre de vivre au mieux cette situation. Par exemple, le jour de mon mariage, je vais me souvenir du jour où j’ai rencontré mon amoureux, de notre première fois et peut-être même de la scène de Sex and the City où Carrie frappe Big avec son bouquet de mariée… Bien que parfois, la conscience nous joue des tours. En résumé, pour Bergson, la conscience est un choix dans la mesure où elle sélectionne dans ma mémoire les souvenirs qui me permettent ou non de m’adapter à la situation actuelle.

De manière plus générale, la conscience nous permet de faire des choix libres et de choisir notre propre chemin dans la vie. Si être libre, c’est penser par soi-même sans l’influence d’une quelconque autorité, posséder la distance et l’esprit critique qui nous permettent de faire des choix qui engagent notre responsabilité, alors la conscience contribue à la libération de l’Homme.

En conclusion, la conscience est un élément clé de notre interaction avec le monde qui nous entoure. Elle nous permet de faire des choix éclairés, de nous adapter à des situations et de nous libérer des influences extérieures. Et finalement, je suis soulagé de ne pas avoir à passer ma vie dans un bocal comme un poisson rouge !

 

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